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Saga Subban: un long dimanche de réflexion…

Le cas n’en finit plus de provoquer des turbulences. Cependant, des indices laissent à penser que ce cirque tire à sa fin. Récapitulons.

Le contexte

  • Jeudi, dans une longue et candide entrevue avec Dave Stubbs, Subban réitère son désir de jouer à Montréal, mais affirme – ô scandale ! – vouloir être payé ce qu’il vaut. Ce n’est pas par hasard: jamais un agent aussi expérimenté que Don Meehan n’aurait permis à son client de jaser ainsi à bâtons rompus avec un journaliste aussi respecté et suivi (notamment sur les médias sociaux). La raison? On l’ignore, évidemment. Positionner PK dans l’opinion publique en fait sans doute partie.
  • Vendredi matin, une rumeur (démentie) court: les Flyers ont “approché” le Canadien à propos de Subban (le fantasme Couturier). Pendant ce temps, des pourparlers ont lieu, en vain. Don Meehan annonce une rencontre prévue pour lundi, et, selon des commentateurs crédibles, ajoute que P.K. va prendre le week-end pour “réfléchir à son avenir immédiat” et en “discuter avec sa famille“. Pourquoi ces détails superflus? Meehan semble délibérément suggérer qu’une décision sera arrêtée d’ici lundi (pas de citation directe, donc pas d’exégèse possible). Un avocat payé à ce prix ne parle pas pour ne rien dire, surtout aux médias montréalais!
  • Le lendemain coule l’information choc: l’offre du CH se chiffrerait à $5,1M pour deux ans réparti en $2,2M la première année et $2,9M la suivante ($2,55M l’an), identique au pacte de Michael Del Zotto. Pis encore, l’offre serait restée la même depuis 8 mois. Les positions sont bien campées, et, pour la première fois, “révélées” publiquement (autant que faire se peut: rien de tout cela n’est fondé sur des preuves tangibles).

Une question, pourtant, demeure. Vu sa situation, P.K. n’a de prime abord que deux options ouvertes: soit il accepte ce qu’on lui offre, soit il reste chez lui. Cette alternative – capituler ou résister – est le lot des agents libres avec restriction qui n’ont pas encore droit à l’arbitrage (Carey Price en sait quelque chose). Décision difficile à prendre, donc, mais somme toute simple. S’il n’y a rien d’étonnant à ce qu’elle soit soigneusement mûrie, elle se pose néanmoins ainsi depuis huit mois.

Si tel est le cas, pourquoi PK devrait-il y réfléchir tout un week-end en conciliabule avec sa famille (ce qui inclut sans doute ses frères, de jeunes hockeyeurs qui auront à faire face à une telle éventualité dans un avenir pas si éloigné)?

C’est étrange. À moins que la décision ne soit plus complexe que ce dilemme cornélien.

Qu’en penser?

Ces péripéties suggèrent à mon sens trois résolutions possible: la comédie, le drame et la tragédie.

  • La comédie

C’est le scénario optimiste. Il implique que ces manœuvres s’inscrivent dans une stratégie de communication planifiée: Subban fait une sortie publique, Meehan en remet, le CH coule l’info… et on accorde à Subban un contrat plus généreux (mais toujours inférieur à ce qu’il croit valoir). Marc Bergevin se montre magnanime en cédant peu, assoit sa réputation de négociateur (“tough but fair“), et conserve le respect de ses pairs et des propriétaires en permettant au précaire “contrat-passerelle” de survivre encore un temps. Subban sauve la face en gagnant quelque chose, prouvant que sa rébellion n’était pas vaine. Il revient au jeu à un prix très raisonnable ($3M?), et tout est bien qui finit bien. C’est à souhaiter.

  • Le drame

Cette option mi-figue mi-raisin est la signature d’une offre hostile. Il se peut qu’une telle offre existe déjà – mais que Subban n’ait pas voulu l’étudier jusqu’ici (parce qu’il désire vraiment rester à Montréal, par exemple) – ou encore que Meehan soit prêt à signaler aux équipes intéressées que la porte est désormais ouverte.

Dans la version positive, le CH égale l’offre: posé en victime, Bergevin est tiré d’embarras (il peut blâmer le confrère qui l’a forcé à délier les cordons de la bourse), et P.K. obtient un contrat plus lucratif, vraisemblablement à long terme. Subban est cependant propulsé au sein du noyau de l’équipe sans avoir, selon l’état-major, atteint la maturité nécessaire, et contre l’avis de son DG. Le processus laisse des cicatrices, et crée des remous dans le vestiaire.

Quel intérêt aurait une équipe à procéder ainsi, se doutant bien que le CH égalera son offre? Même si l’on n’obtient pas le joueur, il y a là une occasion de chambarder une architecture apparemment si chère au CH qu’il est prêt à se priver d’un joueur de qualité pour la maintenir (l’effet Hjalmarsson). Il pulvérise également la marge de manœuvre que l’on cherche à préserver sur la masse salariale, écartant un concurrent fortuné du marché des agents libres (qui promet, vu les rachats potentiels, entre autres). Ceci profiterait certainement à un rival de division (les Bruins), voire de conférence, pour autant que le DG rapace (Paul Holmgren?) ait une équipe déjà mûre et des raisons de la croire dominante pour les années à venir. Un mauvais calcul peut avoir des conséquences délétères (l’effet Kessel).

Dans la variante négative, le CH opte pour la compensation, parce que son équilibre financier est trop altéré, ou que l’offre est mirobolante. Le Tricolore obtient des choix de repêchage (vraisemblablement en bas de peloton) et expédie Subban vers de plus verts pâturages.

Évidemment, c’est peu probable: Montréal, après tout, n’est pas Nashville. Le CH est riche et sa masse salariale est lourde, mais pas insoutenable… à moins que, malgré les chiffres, l’évaluation officielle de P.K. se rapproche de ceci plutôt que de cela. Comme l’a bien démontré la précédente administration, tout se peut.

  • La tragédie

Cette troisième voie, non encore évoquée, est plus pessimiste: Subban se rebiffe et exige d’être échangé (ou pire, le fait publiquement). Soit la confrontation persiste, ce qui prolonge la crise et ne bénéficie à personne, soit l’on accède à sa demande et bâcle une transaction, où il est virtuellement impossible d’obtenir une contrepartie équivalente, ou même satisfaisante. Tout le monde est perdant.

P.K. altère irrémédiablement son crédit (sans la moindre garantie de voir son souhait exaucé) et perd un temps précieux à poireauter hors glace. S’il quitte Montréal, c’est accablé d’une image d’enfant gâté, consolidant une réputation de diva que racontars et cancans ont déjà, ahem, assombrie (comme celle d’Evander Kane, tiens, quelle coïncidence).

Marc Bergevin, transigeant dans une relative position de faiblesse, perd au change et doit en outre se défendre d’avoir plié en accommodant déraisonnablement son joueur rétif, créant un précédent fâcheux. Le Canadien perd son défenseur #1 de facto, et crée à sa ligne bleue une brèche béante qui, en l’absence d’un successeur prêt à prendre le flambeau, retardera considérablement sa reconstruction. Enfin, les amateurs, privés d’un joueur électrisant et charismatique, doivent endurer deux à trois ans de vaches maigres supplémentaires… en voyant peut-être Subban développer ailleurs son incroyable potentiel.

À moins, bien sûr, d’obtenir un jeune défenseur de qualité en retour. Espoir irrationnel, si tant est que P.K. demeure agent libre, que sa propre équipe – de par ses offres – veut le rémunérer comme un #4, et qu’elle ne le juge pas digne d’une entente à long terme. Acquérir les services d’un joueur autonome? Demande oblige, ceci entraîne généralement une dépense bien supérieure à la valeur réelle, choix illogique dans l’optique de préservation d’une structure salariale saine. Il serait ironique, pour ne pas dire idiot, de payer exagérément (et pour longtemps) un vétéran… pour remplacer une éventuelle star dans la fleur de l’âge qu’on aurait chassé de Montréal précisément pour l’avoir jugé trop gourmand!

… sauf à penser que le Canadien, malgré ce qu’indiquent les statistiques fines, voit vraiment P.K. Subban comme un 4e défenseur à ce stade de son développement. Ce jugement, en soi, apparaît encore plus désastreux pour l’avenir de l’équipe.

Une tragédie, en effet.

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