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Qu’espérer de l’échange Cole-Ryder à court terme?

On attendait Yannick Weber. On espérait Tomas Kaberle. Mais c’est plutôt Erik Cole qu’on a, à la surprise générale, vu prendre la direction de Dallas dans le premier véritable échange de Marc Bergevin dans la LNH. Ce faisant, on a rapatrié du même coup un autre ancien Canadien mal-aimé en la joviale personne de Michael Ryder.

Le DG du CH n’aura pas laissé traîné les choses, ne me laissant même pas le temps de finir mon “Jouez au Multi-DG: Erik Cole” avant d’expédier au Texas le populaire ailier qui figurait avantageusement dans les promotions de l’équipe cette saison.

Selon toute vraisemblance, Cole, qui avouait connaître un début de saison bien en-deçà de ses attentes, se plaisait avec le CH (je laisse cancans et on-dit à ceux dont c’est apparemment le métier, puisque je n’en connais rien): il ne s’agit donc pas d’une requête de sa part, mais bien d’un changement dicté notamment par des impératifs tactiques.

Lesquels?

Bienvenue tireur d’élite, adieu ailier de puissance

Cet échange est non seulement une substitution homme pour homme, mais aussi position pour position. Le DG du CH se départit ainsi d’un ailier droit apte à évoluer sur les trois, voire les deux premiers trios pour en acquérir un autre du même acabit. Il juge donc que Ryder est en mesure de lui apporter une contribution qu’il ne pouvait pas, ou plus attendre de la part de Cole. Or, Bergevin n’en a pas fait mystère: il a ouvertement déclaré avoir jeté son dévolu sur Ryder parce que le terre-neuvien est avant tout un marqueur naturel qui, contrairement à Cole, tire de la droite.

Il s’agissait donc de se procurer une arme qui manquait à l’arsenal de Michel Therrien, notamment en avantage numérique (et, ne l’oublions pas, en fusillade!). Seuls Brian Gionta, qui éprouve lui aussi quelques difficultés, et le fringant Brendan Gallagher répondent actuellement à cette définition chez le tricolore (oublions Ryan White, Colby Armstrong et le fantômatique Petteri Nokelainen!). Par ailleurs, Hamilton ne pouvait offrir de solution immédiate avec les Louis Leblanc, Michael Blunden, Patrick Holland ou Gabriel Dumont. Vu les débuts en demi-teinte du capitaine, placer toute la pression sur les épaules de la recrue représentait donc un pari risqué. D’où Ryder.

En Cole, le CH perd un joueur qui répond plutôt au profil de l’ailier de puissance, plus costaud et plus rapide que son remplaçant, mais avec une touche finale moins dévastatrice. On a vanté sa présence imposante et sa capacité à déborder de force la défensive pour foncer au filet, mais cet aspect de son jeu avait perdu quelque peu de son lustre, ce qui, jouxté à sa réputation de connaître de lents départs, laissait poindre des doutes tant sur sa condition physique que sur le degré d’usure réelle du corps d’un joueur tel que lui, âgé de de 35 ans (ce qui n’augurait rien de bon pour les 2 années supplémentaires restant à son contrat). Si on s’attendait souvent à voir le #72 transporter la rondelle en zone adverse, Ryder apparaît bien plus comme un joueur d’embuscade, prêt à exploiter son positionnement et son tir redoutable.

Du point de vue statistique, l’échange demeure relativement équilibré. Ryder est un joueur légèrement plus productif que Cole, notamment en avantage numérique, mais il est plus unidimensionnel. Ce que l’on espère gagner en apport de buts est compensé par la perte d’un meilleur élément élément en couverture défensive et, plus généralement, à 5 contre 5.Si Cole est somme tout un meilleur joueur que Ryder, il est aussi plus âgé, et plus à risque de blessures (tant par son style de jeu que par son historique médical) que ce dernier.

Adieu ailier de premier trio, bienvenue… spécialiste?

C’est dans l’efficacité de son déploiement tactique qu’il faudra jauger l’apport réel de Michael Ryder à l’alignement tricolore. Car si on admet que Cole est en gros le meilleur joueur impliqué, pourquoi s’en départir – et, hypothétiquement, s’affaiblir – alors que le CH trône au sommet de sa conférence?

Michael Ryder apporte au CH une dimension qui lui manquait, soit une réelle menace de la droite. C’est un marqueur qui a fait ses preuves sur une période assez longue pour qu’on puisse espérer de lui un certain rendement. On a donc jugé bon de sacrifier les compétences générales qu’offraient Cole (du moins, celui de l’an dernier) pour obtenir un joueur de rôle spécialisé. En ce sens, cette acquisition s’inscrit dans la lignée de celles déjà opérées par Marc Bergevin sur le marché des agents libres: Arrmstrong et Bouillon, dans un spectre limité, et bien sûr Brandon Prust, beaucoup plus polyvalent qu’on ne l’entrevoyait au départ au sein du top 9.

Ryder est donc un joueur à qui l’on entend confier des missions précises, dont la principale est de rééquilibrer le jeu de puissance. La façon dont Michel Therrien et Gérard Gallant entendent y arriver reste cependant à déterminer: l’insèrera-t-on avec Plekanec et Gionta (à la place de Prust, qui n’est pas polyvalent à ce point!), ou encore avec Desharnais et Pacioretty (à la place de Gallagher)?

En revanche, je ne me souviens pas de Ryder comme d’un joueur capable de fournir des appuis défensifs solides à un centre plus vulnérable en minutes dures, ce que Cole accomplissait à merveille aux côtés de Desharnais, et encore moins comme d’un ailier capable d’épauler Plekanec dans sa tâche ingrate d’éteignoir offensif, rôle où le Tchèque excelle (mais n’obtient pas la reconnaissance qui lui est due). On l’y voit encore moins ces jours-ci, alors que la perte de Bourque (au profit de Prust, qui s’en tire fort honorablement) atténue le punch offensif de la “première unité”.

C’est pourquoi on peut s’attendre à voir Ryder évoluer à la droite d’Eller et de Galchenyuk. Ces deux joueurs sont évidemment des fabricants de jeu doués qui ne manqueront pas de lui refiler la rondelle, mais ils sont aussi éminemment responsables défensivement (ce qui est un autre trait marquant de la maturité étonnante du #27). Ceci permettrait à Michel Therrien de continuer à opposer le trio de Plekanec (avec, en soutien, celui de White) aux meilleurs trios adverses, et de déployer celui de Desharnais avant tout en situation offensive (ce qui en ferait l’unité la plus “protégée”). Galchenyuk-Eller-Ryder deviendrait alors une sorte de troisième trio “hybride”, capable aussi bien d’exploiter les fonds d’alignement adverses que d’assurer une couverture défensive adéquate (Eller étant autrement plus compétent que Desharnais en ce domaine). Si ma mémoire est bonne, c’est un rôle qu’a déjà tenu Ryder, flanquant Chris Kelly des Bruins lors de leur conquête de je ne m’en souviens plus j’ai comme un blanc de mémoire que disais-je donc?

Toutefois, dans un tel rôle, il ne faudrait pas s’attendre à le voir marquer l’équivalent de 30 buts, chose qu’il peut accomplir, certes, mais davantage lorsqu’utilisé comme un ailier de top 6 classique (accolé à Desharnais et Pacioretty, par exemple, ce qui serait toutefois un risque défensif plus considérable, surtout à l’étranger). Il faut donc, hélas! inévitablement se préparer à un concert de hauts cris le concernant, puisque l’affectation prévue ici risque d’affecter sa productivité, déjà appelée à chuter (son pourcentage d’efficacité de 17,39% en avantage numérique ne saurait se maintenir indéfiniment, régression oblige!). À quand, donc, le retour des épithètes injurieuses et du spectre des avions de papier?

“Michael Ryder, une déception!” – Ce sera probablement faux, mais vous l’aurez lu ici en premier…

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