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Claude Julien: Un changement important pour le Tricolore

Marc Bergevin a surpris encore une fois en remplaçant son entraîneur-chef durant la semaine de congé. Michel Therrien semblait pourtant bien en selle, malgré les déboires récents de son équipe.

(Toutes les statistiques de cet article proviennent de l’indispensable corsica.hockey)

Si la qualité du jeu de l’équipe avait récemment piqué du nez, les indicateurs de tirs demeuraient bons sur l’ensemble de l’année. Le jeu de puissance connaissait pour sa part des problèmes sérieux en génération de tirs (à 35.94, il était le pire de la ligue) mais l’opportunisme de ses tireurs était parvenu à compenser en début de saison (avec un pourcentage de tirs 19.55%, le meilleur de la LNH). La profession de foi de Bergevin envers Therrien, faite à la suite de la débandade de la saison dernière, laissait croire qu’il survivrait à la tourmente actuelle, tourmente qui semblait passagère.

Bergevin s’en défendra, bien sûr, mais on peut croire que la disponibilité soudaine de Claude Julien suite à son congédiement par les Bruins a joué dans sa décision. Les entraîneurs de haute qualité sont très rares dans la LNH. Le Canadien, qui requiert des critères bien plus étroits que les autres équipes du circuit en raison de la nécessité pour son entraîneur de s’exprimer en français, réduit d’autant l’éventail de ses candidats. À cause de cela, il se doit d’être extrêmement aggressif dans sa poursuite du meilleur entraîneur disponible qui corresponde aux critères de son équipe.

Claude Julien est cet entraîneur.

Julien avec les Bruins

Julien fut congédié des Bruins, comme c’est le cas la plupart du temps, en raison des pourcentages défaillants de son club. Dans son cas, il a bien fallu que les pourcentages de tirs ET les pourcentages d’arrêts, surtout ceux des gardiens auxiliaires, tombent à l’eau pour faire chuter les Bruins hors des séries: les Bruins étaient bons dernier au pourcentage de tirs à 5 contre 5 (5.97%) et 28ème au pourcentage d’arrêts (.907). Cela se combinait en un PDO de 967, un total ridiculement bas – la pire équipe de l’an dernier était à 983. Or ces facteurs représentent généralement un manque d’opportunisme passager et des gardiens défaillants, chosent qui se replacent généralement avec le temps et les efforts correctifs des joueurs.

Mais malgré un alignement ordinaire et parsemé de trous, les Bruins étaient bons premiers pour l’échange de tirs aux buts et de chances de marquer – avec un Corsi ajusté de 56.04%, loin devant les Kings, pourtant experts en la matière, qui présentaient un Corsi ajusté de 54.53%. Ces prouessent permettaient aux Bruins de vivoter malgré une malchance épique aux tirs au but, et des gardiens encore plus défaillants que ceux du CH de l’an dernier suite à la blessure de Price! Voilà qui en dit long sur les capacités tactiques du nouvel entraîneur du Canadien. Il fait partie de l’élite de la profession, et Bergevin n’exagère pas en le qualifiant de ‘superstar’ du domaine.

Son style est d’ailleurs foncièrement différent de celui de Michel Therrien. Certes, on ne manque pas de noter les similitudes, les deux étant des entraîneurs ayant une réputation de préconiser la défensive; mais ça ne veut pas dire grand chose puisque c’est pratiquement le cas de tous les entraîneurs et on se demande d’ailleurs où sont les entraîneurs résolument offensifs qu’on voudrait mettre en opposition!

Therrien est un entraîneur qui préconise la poursuite de la rondelle à outrance, au point d’en faire la pièce maîtresse de son jeu de transition; son équipe rejettera souvent la rondelle dans un endroit qu’on espère favorable pour qu’un autre joueur de l’équipe puisse la récupérer. Cette philosophie se fait donc au détriment de la possession de rondelle. Le Canadien excelle indubitablement dans la poursuite de la rondelle; son échec-avant en zone offensive est particulièrement efficace. Cependant, une telle capacité est comparable à avoir un bon gardien – il a beau exceller à faire des arrêts, on n’ira pas accorder des chances de marquer supplémentaires pour tenter de maximiser son apport! On doit chercher par cette approche à obtenir un bénéfice ailleurs; dans le cas du style de Therrien, il s’agit de favoriser une prise de décision rapide et l’envoi de la rondelle dans une zone qu’on espère plus sécure. Par contre, ce style présente de sérieux risques si l’adversaire parvient à récupérer la rondelle en premier ou à anticiper le rejet somme toute prévisible.

Sous Julien les Bruins favorisent beaucoup plus le contrôle de la rondelle; on cherche à maintenir la possession alors qu’on traverse les deux lignes bleues, soit en sortie et en entrée de zone. Cela ne veut pas dire qu’on néglige la poursuite de la rondelle, et un fort échec-avant demeure un atout précieux; aucune équipe ne peut tenir la rondelle 100% du temps! Mais on cherche beaucoup moins à provoquer de telles situations, et on préfère maintenir le contrôle de la rondelle en la transportant ou en la déplaçant par des passes courtes. Un tel style requiert une plus grande coordination entre les joueurs et une prise de décision plus poussée. Cependant il permet une transition beaucoup plus rapide, puisqu’il n’y a pas de bataille pour la rondelle suivant un rejet.

Il est d’autre part reconnu pour instaurer une structure très complète à ses équipes, une carence qu’on reproche régulièrement au Canadien. D’ailleurs, si on fait grand cas que le nouvel entraîneur pourrait aider les jeunes joueurs comme Alex Galchenyuk et Nathan Beaulieu, je suis curieux de voir quel effet il aura sur les performances de Shea Weber. En effet, le grand défenseur excelle plus dans les situations plus statiques; pourrait-il bénéficier de la nouvelle structure de Julien, habitué à Zdeno Chara, un autre défenseur aux qualités physiques indéniables mais qui n’est pas reconnu pour sa mobilité ou son habileté avec la rondelle?

Quoiqu’il en soit, on ne verra pas l’équipe changer du tout au tout son style dans quelques matches, mais à la longue, on risque de voir un Canadien au style bien différent.

Une situation intéressante pour le nouveau coach

Ce n’est pas la première fois que Julien remplace Therrien à la barre du Canadien. Ce fut d’ailleurs un des points de données utilisés par Ben Wendorf pour faire son analyse des changements d’entraîneurs. Le remplacement avait mené à une augmentation des métriques de tirs de pas moins de 5% en termes absolu – soit de 42% à plus de 47%! Cette fois, avec les métriques du CH en excellente position (Corsi ajusté de 52.84%), on ne doit pas s’attendre à une amélioration aussi drastique. Julien, cependant, semble être à même de maintenir une telle performance avec l’alignement actuel, alors que le Canadien était en pente descendante avant son arrivée. Les unités spéciales, pour leur part, ne paient pas de mine. Le jeu de puissance, on en a parlé, n’arrive pas à générer des chances de marquer. Quant au désavantage numérique, il est bon de savoir que si Carey Price maintenait un bon niveau de performance à forces égales (.937, comparé à .943 l’an dernier), sont total est plombé par ses performances à court d’un homme (.856, comparativement à .898 l’an dernier).

Julien arrive dans une bonne situation, sur le plan hockey. Le club présente pas moins de quatre attaquants de calibre de premier trio, dont un des meilleurs buteurs du circuit, une défensive qui, sans avoir de défenseur dominant, présente trois paires solides, et Carey Price comme gardien partant. Qui plus est, tous ses joueurs sont supportés par une profondeur impressionnante. Le Canadien, au contraire d’autres équipes, n’a tout simplement pas dans ses rangs de ‘mauvais’ joueur, de joueur qui n’est pas à sa place dans la ligue.

Mais, bien sûr, le Canadien n’aspire pas seulement à faire les séries. Il a des ambitions plus élevées; il souhaite aspirer à la Coupe à très court terme. Si l’embauche de Claude Julien est indubitablement un pas de géant dans cette direction, on doit demeurer sceptique sur les chances du Canadien d’être parmi les équipes de pointe avec son alignement actuel. Son alignement comporte deux trous béants. Le Canadien n’a pas de véritable défenseur numéro un, et en admettant que Galchenyuk retrouve ses marques et la confiance de ses patrons, il manquera quand même un centre capable d’évoluer sur les deux premiers trios. Ce sont là deux joueurs aux profils qu’il n’est généralement pas facile d’acquérir. Julien parviendra-t-il à pallier à l’absence de deux éléments aussi cruciaux?

Le contrôle du jeu des Bruins malgré un alignement beaucoup plus dégarni était si impressionant qu’il est permis de l’espérer. Mais Bergevin pourrait certes améliorer ses chances en palliant à l’un ou l’autre de ces besoins. L’acquisition d’un défenseur gaucher mobile et habile capable de diriger la première paire serait la plus bienvenue. Mais c’est là une forte commande pour le DG.

Bergevin, par ce changement d’entraîneur, vient indubitablement de rapprocher son équipe d’une Coupe Stanley, mais il lui reste du travail à accomplir, et il n’est pas évident.

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