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Une nouvelle stratégie, le “swarm”?

Suite au résumé du match contre les Devils, le commentateur pierrelionel soulignait, à raison, que les Devils pratiquent cet échec avant à trois depuis un bon moment déjà. C’est un fait important à souligner. Je les regardais aller et je comprenais à quel point l’équipe de direction du club devait être en ta… de voir un gars comme Kovalchuk sacrer son camp en KHL. Un joueur de sa trempe rend un système du genre effroyablement efficace.

Pierre (je suppose que c’est son prénom!) enchainait avec la question suivante:

Soutenir un ” swarm in ” par une application en continu de l’échec avant à trois est une proposition épuisante comme style de jeux laissant souvent moins d’ énergie pour une bonne troisième période où pour une longue saison de 82 matchs…. Ce qui est d’après moi la raison principale pourquoi Therrien et le CH de cette saison pratique moins assidûment ce style en comparaison de notre dernière saison qui en fût une écourtée par presque d’une quarantaine de matchs. Therrien en début de saison a parlé d’ajustements sur le système de jeux préconisé par le CH de l’année précédente…

Avant de m’attarder à la question du système de jeu du CH, j’aimerais d’abord m’attarder à la question de ce type de tactique qui semble se répandre à travers la ligue, le fameux “swarm”.

L’essaim et l’énergie qu’il engage

J’ai lu une entrevue de Guy Boucher il y a quelques saisons, où il parlait de ces fameuses “nouvelles tactiques”. Je ne retrouve évidemment pas l’article (c’était dans Le Soleil), mais son commentaire principal me semblait tourner autour du fait que son système ne venait pas d’une volonté de contrer tel ou tel schéma offensif. Ces fameux “swarm” (celui de Boucher était strictement du côté défensif, en offensive le Lightning pratiquait souvent la plus conventionnelle des trappes) étaient en fait tirés d’un constat: il trouvait que les schémas défensifs traditionnels, où chaque ailier se plante au sommet de son cercle de mise en jeu pendant que le centre et les défenseurs se relaient pour courir après la rondelle, revenait à renoncer à utiliser 40% des ressources à la disposition du club en territoire défensif (soit l’énergie des deux ailiers plantés comme des piquets). Le “swarm”, c’est une façon d’utiliser un maximum de joueurs pour arriver à ses fins. Tous les joueurs n’ont pas le même talent, la même vision. Mais ils ont tous un niveau d’entraînement qui leur permet de pédaler comme des malades pendant 45 secondes.

Un bon système prend comme fondation la ressource dont on dispose en abondance et utilise cette ressource afin de maximiser l’utilisation des ressources plus rares (le talent, la vitesse, name it). Au-delà de la tactique, c’est ça, le swarm: tout le monde pédale, toujours. Après, on s’occupe des confrontations, on dessine des patrons de jeu pour chaque endroit sur la glace ou l’on prend possession de la rondelle et zou, on roule. Mais la fondation me semble toujours être la suivante: si un joueur, sur instruction du coach, se trouve à ne rien foutre, c’est que le coach a fait une erreur.

Je ne sais pas d’où ça sort, le fameux swarm. Hockey Canada? Des chercheurs en éducation physique qui travaillent dans telle ou telle université, ayant participé à je ne sais quelle école d’été de coaching? Boucher est celui par qui nous avons été familiarisés avec ce système, mais comme pierrelionel le soulignait, il est pratiqué un peu partout.

Ça n’est pas toujours fait avec bonheur, remarquez. Un “swarm” mal exécuté peut mener à des situations regrettables. La séquence initiale menant au but de Hertl ci-dessous en est un cas typique: lorsqu’il sort du coin gauche, Thornton a 3 joueurs des Sabres poliment enlignés pour le regarder passer!

Les applications au système défensif du CH

Le Canadien a aussi sa façon de pratiquer cet engagement total des troupes. En zone défensive, lorsque les choses vont bien, on va voir apparaitre une structure comme celle dans l’extrait ci-dessous:

Gorges est engagé dans une bataille à un contre un et derrière lui les trois joueurs (Diaz, Moen, Bournival) bougent à l’unisson. Le 5e joueur (White) se tient en retrait, en plein coeur de l’enclave pour récupérer les rondelles perdues ou mettre de la pression sur un des joueurs de pointe. Sur cette séquence en particulier, ça foire: les Canucks réussissent à passer la rondelle à travers Moen et l’envoyer à la pointe.

Mais depuis le début de la saison dernière, le CH use systématiquement de ce type de schéma:

  • Deux joueurs (souvent les défenseurs) poursuivent le porteur du disque et tentent de le repousser vers la bande sinon vers un coin de la zone. Ces deux joueurs sont généralement l’un derrière l’autre, l’idée étant d’avoir un joueur prêt à sauter sur une rondelle libérée.
  • Deux joueurs (souvent les deux ailiers) viennent en appui et cherchent à contrôler les sorties latérales (ici le long des bandes).
  • Le cinquième joueur se plante en plein coeur de la zone pour les rondelles perdues et une pression de dernière minute si une passe à un joueur libre est complétée./

À sa face même, ce système peut sembler risqué (deux joueurs adverses sont généralement complètement libres de toute couverture défensive!) mais il repose sur le fait qu’une rondelle peut difficilement éluder une forêt de jambes.

Les applications au système offensif

Fait intéressant, les Devils et le CH ont une façon somme toute similaire de pratiquer un échec avant à 3 joueurs. Observez tour à tour le but de Bernier et celui de Galchenyuk et notez les similarités dans le jeu des attaquants en territoire offensif (et ne prêtez pas trop attention à l’effroyable relâchement défensif de Brière, qui laisse Bernier partir tout seul pour ensuite aller se fourrer dans les pattes de Murray, comme si le pauvre Douglas n’avait déjà pas suffisamment de misère à se déplacer):

En fait, le CH est encore plus agressif que les Devils, mais dans les deux cas on assiste au même type d’attaque. Lorsqu’un attaquant prend le contrôle de la rondelle, un de ses comparses va immédiatement s’offrir en cible sous la ligne des buts alors que l’autre va marauder autour des points de mise en jeu. Lorsque le jeu se délite, l’attaquant le plus haut placé remonte vers les défenseurs qui, eux, rejettent simplement la rondelle au filet sinon au coin. Ce système, très agressif, expose évidemment la défensive à de nombreux surnombres en cas de revirements. Le jeu défensif le plus important des attaquants consiste souvent, dans ce contexte, à revenir en trombe pour réussir à “pousser dans le dos” des attaquants adverses en zone neutre, les forçant ainsi à précipiter l’entrée de zone et donnant alors la chance aux défenseurs de mieux contrôler le point d’entrée (pas de vidéo pour ça, mais je vais essayer d’en trouver un).

Le Canadien n’a pas toujours pratiqué ce style sous Therrien. L’an dernier, le 3e attaquant restait systématiquement plus “haut” dans la zone et c’est le défenseur qui descendait le long de la bande (“pincher”, en bon franglais) pour appuyer les deux attaquants en fond de zone (le 3e attaquant prenant alors la place du défenseur). Le CH a depuis délaissé cette approche. Les défenseurs restent à leur poste et le 3e attaquant reste plus “bas”, quitte à ce qu’on renvoie la rondelle jusqu’à la ligne bleue pour permettre au défenseur de la remettre ensuite en fond de zone. Les ruptures défensives, dans ce patron de jeu, sont moins coûteuses que l’an dernier, alors que les 2 contre 1 se multipliaient lorsque les “pinch” étaient manqués.

Il me semble aussi que lorsque les blessures ont décimé le club à partir de la fin octobre, ce schéma d’attaque a été beaucoup moins utilisé. Je pense en effet que les entraîneurs du CH, voyant les points vulnérables se multiplier dans l’alignement, ont volontairement demandé aux joueurs de pratiquer un style plus conservateur. Le retour en santé des joueurs réguliers a donc permis de remettre les gaz.

Michel Therrien a-t-il apporté ces modifications dans le but d’économiser l’énergie de ses joueurs? Je ne le crois pas. La compétition dans la LNH est devenue incroyablement féroce. Je relisais dernièrement certains billets de mon blogue écrits dans ma première saison passée à recenser les chances de marquer et il est clair que les choses ne devenaient sérieuses qu’en décembre, et encore. 5 ans plus tard, ça se bat au couteau dès le mois d’octobre. Therrien, dans une année olympique qui plus est, ne me semble tout simplement pas intéressé à laisser des points sur la table. Je pense qu’il a raison de procéder ainsi. Ses joueurs ne sont pas plus mal entrainés que leurs adversaires et tout le monde joue la pédale au fond, alors pourquoi risquer de prendre un retard insurmontable au nom de l’économie d’énergie?

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