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P.K. Subban contre Shea Weber: On perd au change. On perd beaucoup.

Bon. J’suis en beau maudit. Je vais me garder du matériel pour mes prochains articles. Je tiens juste à mentionner que je déclare la guerre à Marc Bergevin et à son régime. J’ai légèrement décroché quand il a décidé de garder Michel Therrien derrière le banc. Ma chaloupe a chaviré quand j’ai entendu qu’on avait échangé P.K. Subban.

Pour cet article, je vais m’évertuer à démontrer en quoi Subban est un meilleur défenseur que Shea Weber. Pas pour dire que Weber est mauvais, mais Subban est supérieur. C’est donc un mauvais échange pour le CH, et un coup de génie pour David Poile. Peu importe ce que le vestiaire en pense, ça se joue sur la glace, ce sport.

Offensivement

Commençons par le début. Les buts, les passes, les points. Les résultats sont similaires. Weber marque plus de buts, Subban a plus de passes. Lors des quatre dernières saisons, Subban a produit 22 points de plus que Weber, qui a joué 9 parties de plus.

Par contre, si on considère uniquement le jeu à cinq contre cinq, ce qui constitue tout de même la majeure partie d’une partie, Subban produit 1,07 point par 60 minutes de jeu, alors que Weber, 0,90. Avantage Subban.

Les points, ce n’est pas tout. C’est le résultat du processus sur la glace. L’objectif d’un défenseur, en soit, est de limiter les tentatives de tir et les chances de marquer de l’adversaire.

Pour ce faire, il doit parvenir à récupérer la rondelle dans la zone défensive et s’assurer qu’elle se déplace, via la zone neutre, vers la zone adverse, afin de générer des tentatives de tirs et des chances de marquer pour son équipe.

Les tableaux HERO

Ceux qui ne sont pas encore familiers avec les tableaux Hero, de l’excellent Dom Galamini, devront arriver en ville un jour ou l’autre. C’est un des meilleurs outils disponibles pour évaluer, rapidement, l’impact d’un joueur sur la production effective ainsi que sur le processus qui favorise ces résultats.

Je tenterai d’être bref. Les bandes du graphique illustrent des percentiles, c’est-à-dire qu’ils sont classés en fonction des autres joueurs de la ligue. Les statistiques sont compilées par tranche de soixante minutes de jeu afin d’estomper l’effet du temps de glace.

Celles du haut mesurent les résultats, celles du bas mesurent le processus, donc la propension à générer des tirs et à limiter ceux des adversaires. Les valeurs sont relatives, c’est-à-dire qu’on tente de distinguer l’impact du joueur lui-même en le comparant à l’impact moyen de ses coéquipiers.

Nul besoin d’observer le graphique longtemps pour déterminer quel joueur est le plus performant. C’est surtout que peu de joueurs sont responsables d’une aussi grande proportion de la production offensive de leur équipe. Subban était le moteur de l’attaque du Canadien. Quand il était sur la glace, le Canadien avait la rondelle plus souvent que son adversaire.

Défensivement

C’est bien beau, les points. Avant tout, ce sont des défenseurs. J’ai lu beaucoup de commentaires en ligne comme quoi Weber est meilleur défensivement que Subban. On peut se référer aux Hero Charts pour constater que Subban limite davantage les tirs adverses que Weber.

Pour vanter les mérites défensifs de Weber, on semble encore s’accrocher aux mêmes arguments qui étaient utilisés pour défendre Douglas Murray à l’époque:

“Il doit être bon défensivement, regardez comme il défend défensivement. Il bloque des tirs, il dégage le devant du filet, il fait payer le prix aux adversaires, c’est ça un vrai défenseur. “

Ce qui est fallacieux. Un défenseur défensif et limité en mobilité passe davantage de temps dans sa zone. Il parvient difficilement à ralentir les joueurs adverses en zone neutre, à limiter les entrées de zone en contrôle du disque, et à récupérer les rondelles libres en fond de territoire. Le résultat: il accorde plus de tentatives de tir et de chances de marquer lorsqu’il est sur la glace.

S’il doit absolument avoir une bonne première passe (ou simplement se débarasser de la rondelle, comme Michel Therrien le prêche si bien) afin de libérer sa zone, ça facilite l’échec avant des adversaires. Sans l’option de patiner en contrôle du disque, la tâche de l’adversaire se simplifie; il suffit de couvrir les lignes de passe.

Lors des quatre dernières saisons, les Prédateurs ont effectué 49.4% des tirs tentés et obtenu 50.9% des buts lorsque Weber est sur la glace. Il figure au 5e rang de l’équipe (pour des défenseurs ayant joué plus de 3000 minutes). Entre-temps, Subban profitait de 52.1% des tirs et 54.4% des buts. Il mène, bien évidemment, le Canadien à ce chapitre.

Le WOWY (With or without you)

Peut-être est-ce l’effet de leurs coéquipiers, alors? Pour calculer l’impact des coéquipiers, j’aime bien utiliser les graphiques de Micah Blake McCurdy, un statisticien passionné et pertinent. L’abscisse représente la capacité à générer des lancers au filet. L’ordonnée représente la capacité à diminuer les tirs alloués. Les valeurs sur cet axe sont inversées.

Replacement Subban

Replacement Weber

En interprétant ces graphiques, on remarque que tous les partenaires défensifs de Subban tirent davantage au filet lorsqu’ils sont sur la glace avec lui. La plupart des défenseurs du Canadien accordent moins de tirs sans Subban, mais le gain offensif dépasse largement la baisse des performances défensives. Portez bien attention à l’impact de Subban sur Andrei Markov, son partenaire le plus fréquent.

Pour un joueur qui a la réputation d’être solide défensivement, force est de constater que les défenseurs des Prédateurs accordent beaucoup de tirs lorsque Weber est sur la glace, par rapport à lorsqu’il n’y est pas. Il est toutefois difficile de distinguer l’impact de Weber sur Josi (ou l’inverse), puisque ces deux joueurs sont presque toujours ensemble sur la glace. Weber a joué seulement 99 minutes sans Josi.

Pour en lire plus; Josi a-t-il nui à Weber défensivement?

Les fameux revirements

On se souvient du célèbre revirement qui a mené à la défaite du Canadien contre l’Avalanche la saison dernière. Michel Therrien n’est pas passé par quatre chemins pour blâmer Subban pour la défaite. Oui, Subban était le meneur dans la catégorie des revirements cette année.

Il a commis 106 revirements alors que Weber n’en a commis que 39. Je suis d’avis que l’offensive que Subban génère compense largement pour les revirements qu’il occasionne. Je concède toutefois l’argument aux partisans qui aiment cet échange: Weber va commettre moins de revirements.

Autre petit détail. Selon Andrew Berkshire de SportLogiQ, Subban est impliqué dans le jeu beaucoup plus souvent que Weber. En fait, Subban mène la ligue pour son engagement avec la rondelle, touchant, en moyenne, la rondelle 89 fois par tranche de 20 minutes de jeu. Subban est donc plus souvent impliqué dans le jeu, ce qui peut expliquer, en partie, son nombre de revirements.

Weber, lui, touche la rondelle 69,2 fois par tranche de 20 minutes. Il se classe 216e sur 256 défenseurs. La moyenne de la ligue est de 75,4 évènements par tranche de 20 minutes. La plupart de ses interactions avec la rondelle se situent en zone défensive, ce qui signifie qu’il y passe beaucoup de temps. Il est aussi moins engagé en zone neutre et en zone offensive.

Le déclin de Weber

Si on regarde la moyenne des défenseurs de la ligue, les données suggèrent qu’ils plafonnent généralement vers l’âge de 27 ans et qu’ils commencent à décliner vers l’âge de 30 ans. Bien sûr, il y a des exceptions. Il est possible d’argumenter que Weber sera peut-être l’un de ces défenseurs qui continuent de performer à un haut niveau passé le cap de la trentaine. Il serait néanmoins plus prudent de se fier à la tendance mesurée.

Les défenseurs d’élite doivent gagner la bataille territoriale. Ils doivent, avec constance, être engagés dans le processus qui permet à leur équipe de tirer au but plus souvent que l’adversaire. Ce processus permet, à long terme, à l’équipe de compter plus de buts que l’équipe adverse.

Weber n’a pas cet impact sur ses coéquipiers. Observons son Corsi relatif, c’est à dire l’impact de Weber sur la glace par rapport à lorsqu’il n’y figure pas. Travis Yost, de TSN, a produit le graphique suivant:

La chute est catastrophique. Weber passe de plus en plus de temps en zone défensive, alors que l’équipe adverse est en possession du disque. Il peine à faire pencher la balance du bon côté, celui de renvoyer la rondelle vers la zone offensive.

Un joueur comme Zdeno Chara serait un excellent comparatif. Malgré son âge, il n’a pas perdu pied dans la bataille territoriale. L’avenir le dira, mais ça n’augure pas bien pour Weber.

Les contrats

La pilule est difficile à avaler lorsque l’on compare les contrats des deux joueurs. Subban est âgé de 27 ans et son contrat couvre les six prochaines campagnes. Weber a 31 ans. Il reste dix ans à son contrat. Dans une ligue aussi compétitive, choisir le joueur le plus vieux ET le contrat le plus long s’avère, plus souvent qu’autrement, suicidaire. Je doute qu’une économie de 1,14 million par année sur le plafond salarial mitige les dégâts.

Il serait injuste d’omettre l’impact salarial de la retraite (éventuelle) de Weber sur la masse salariale des Prédateurs. Sur ce fait, le Canadien ne court aucun risque et peut handicaper largement l’équipe de Nashville. Je vous laisse le soin de faire la recherche. Ça va frapper. Fort. Subban aura, fort probablement, décliné, d’ici là.

Donc… Bergevin a échangé un joueur plus jeune, un meilleur patineur, avec un meilleur contrat, qui produit plus de points, qui passe moins de temps en zone défensive et qui améliore systématiquement les performances de son équipe lorsqu’il est sur la glace… contre un gros lancer frappé sur le jeu de puissance, un gars qui va casser des gueules une fois de temps en temps et qui commet moins de revirements. Weber n’est pas fini. Subban est supérieur, c’est tout.

Il faudrait donc croire que le problème n’était pas sur la glace. Semble-t-il qu’il était dans la chambre. Je suis d’avis qu’il se situe dans le bureau de la direction. J’élaborerai davantage sur ce point dans un autre article.

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