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Toutes les statistiques citées dans cet article sont gracieuseté de l'incontournable corsica.hockey.
Le Canadien est en séries. Malgré un été mouvementé, et un remplacement d'entraîneur en cours de saison, le Canadien s'est invité à la grande danse du printemps, s'offrant le championnat de la division Atlantique pendant qu'il y était.
C'est un début, une condition sine qua non pour la suite des choses, mais les ambitions du Canadiens, nous l'espérons, ne s'arrêtent pas là. Les années s'égrénant sous le règne de Bergevin, le noyau de l'équipe vieillissant, l'équipe doit viser rien de moins que la Coupe. Cet objectif est-il réaliste? Le Canadien est une équipe dure à cerner, mais voici cinq éléments qui offrent une piste de réponse.
Nous nous attarderons ici surtout sur les 24 derniers matches du Canadien. En général, on préférerait faire de tels examens sur 25 parties, mais le nombre de 24 correspond à l'arrivée de Claude Julien avec le Canadien - on conviendra qu'il s'agit là d'un point d'inflection majeur dans la saison du club.
Voici quelques raisons de croire, ou de ne pas croire que le Canadien fait partie de cette catégorie.
Le Canadien peut gagner parce que... Carey Price est son gardien
À tout seigneur tout honneur; nous commencerons par Carey Price, sans contredit la plus grande vedette de l'équipe. D'aucuns prédisent déjà que le Canadien n'ira qu'aussi loin que son gardien les portera.
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Dans ce cas, le Canadien est en voiture. Sous les ordres de Claude Julien, Price a maintenu un excellent taux d'arrêts de .934 à 5 contre 5 et .937 dans toutes les situations. On pourrait crier à la séquence heureuse, mais depuis 2013-2014, le gardien du Canadien cumule un taux d'arrêts de .940 à 5 contre 5 et .928 en général. On peut donc s'attendre à d'excellentes performances de sa part.
On ne peut pas bâtir une équipe sur la seule base d'un gardien de but et aspirer aux grands honneurs, mais un gardien d'élite constitue un sérieux atout, qui peut compenser pour les aléas de la chance ou faire la différence entre deux équipes qui sont équivalentes dans les autres aspects.
Le Canadien ne peut pas gagner parce que... il n'a pas assez de joueurs d'élite
Comprenons que nous n’argumenterons pas que le Canadien est une équipe médiocre. Il forme au contraire une bonne équipe de hockey, et sa place en séries n'a rien d'un hasard. Malgré de sérieuses difficultés sur les unités spéciales, l'équipe a été très bonne à forces égales, et son total d'environ 100 points au classement comme sa place en tête de la (très faible) division Atlantique est tout à fait méritée.
Mais pour être une aspirante sérieuse à la Coupe, une équipe ne peut se contenter d'être simplement bonne. Elle doit former une équipe de pointe, voire dominante, qui compte parmi les meilleures de la ligue. Elle doit pouvoir composer, par exemple, avec une équipe qui aligne Sidney Crosby et Evgeni Malkin et Phil Kessel.
Or, en attaque comme en défense, le Canadien est un peu dépourvu de joueurs vraiment dominants. Nous ne passerons pas sous silence Max Pacioretty, l'un des cinq meilleurs buteurs de la planète et le meilleur patineur du Canadien cette année. Il entre pleinement dans cette catégorie. Mais après lui, le Canadien n'aligne pas de joueurs de cette force.
Certes, pour l'attaque, Radulov, Galchenyuk et Gallagher sont tous des joueurs de calibre de premier trio (et on espère que Gallagher retrouvera la qualité de son tir). Mais après ceux-ci, le Canadien est truffé de questions et a été miné par la chute abrupte de l'apport offensif de Tomas Plekanec, qui aurait dû être son deuxième centre. On fonde beaucoup d'espoir sur Paul Byron et Arturri Lehkonen, qui sont les cinquième et sixième attaquants du club.
Du côté de la défensive le même constat s'impose. Le meilleur défenseur du Canadien à forces égales est Jeff Petry, un très bon joueur certes, mais pas un véritable défenseur d'élite. Shea Weber a la réputation d'un défenseur de pointe, mais à forces égales, ses performances le classent plutôt dans la même catégorie que Petry. Andrei Markov semble increvable, mais à 38 ans, il n'est plus le joueur qu'il a été. Après ce trio se trouve une poignée de joueurs dont la performance suscite des interrogations... et Jordie Benn, qu'on utilise pour stabliser la troisième paire.
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Le Canadien ne s'est pas aidé sur cet aspect par certaines décisions, que ce soit celle de faire jouer Alex Galchenyuk, son meilleur centre, à l'aile gauche du troisième trio (voire du quatrième!), de faire constamment jouer Alexei Emelin dans son top-4 défensif, ou d'acquérir à la date limite les 12èmes attaquants de trois équipes exclues des séries. Mais même sans ces aspects, le Canadien n'a toujours qu'un seul patineur du calibre d'une vraie vedette en Pacioretty, et remplit son équipe de joueurs solides mais pas dominants.
L'ensemble n'est pas faible pour autant. Il y a chez le Canadien un joueur à peu près capable de remplir chacune des chaises disponibles, et ça n'est pas rien. Mais avec une ligne de centre composée de Danault, Shaw et un Plekanec en fort ralentissement, et une défensive sans véritable numéro un, le Canadien n'a guère l'air d'une équipe de tête sur papier.
Le Canadien ne peut pas gagner parce que... Le jeu de puissance est carrément mauvais
Nous avons souligné, en parlant de l'alignement, que le Canadien n'est pas mauvais, seulement qu'il ne se classe pas parmi les meilleures, alors qu'il espère aspirer à la Coupe.
Ce n'est pas le cas ici. Le jeu de puissance du Canadien est carrément mauvais.
Depuis l'arrivée de Claude Julien, le Canadien est, avec 40.4 tirs par 60 minutes de jeu à 5 contre 4, la cinquième pire équipe de la ligue. Ce n'est pas tout: il accorde 12.68 tirs par heure en retour, soit le pire total de la ligue, ce qui en fait la pire équipe en termes d'échange de tir de toute la ligue sur cette période. Et à 3.62 buts par heure, cela s'est traduit par la cinquième pire production de buts de la ligue.
Les déboires du Canadien dans cet aspect du jeu ne datent pas d'hier (35.94 tirs par heure sous Therrien en 2016-2017; 43.73 l’an dernier). Il a été favorisé en début d'année par un pourcentage de succès très élevé sur ses tirs, chose qui n'allait pas durer. Quand la production de buts du jeu de puissance du Canadien a disparu, ce n'était pas l'effet d'un affaiblissement de l'unité mais bien d'un simple rétablissement des pourcentages à un niveau plus normal.
Ni Kirk Muller ni Shea Weber n'auront eu l'effet espéré sur le jeu de puissance: celui-ci est, si ça se trouve, encore pire que l'an dernier. La faiblesse dans cet aspect du jeu du Canadien pourrait lui coûter fort cher en séries.
Le Canadien peut gagner parce que... Claude Julien a pris les rênes
Nous avons, au moment de son embauche, fait l'éloge de Claude Julien. Il est parmi les meilleurs de sa profession et, après 24 matches, le Canadien a mieux assimilé son système de possession de rondelle, si différent de celui de Michel Therrien.
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On l'a oublié depuis, à cause de la blessure à Price qui a semblé si monumentale, mais lors de la dernière série entre le Canadien et les Rangers, le club de Montréal s'était fait servir une leçon de tactique, les joueurs des Rangers prévoyant les inévitables rejets des défenseurs du Canadien et se positionnant pour les intercepter - parfois même avant que ceux-si ne soit commencés. Le Canadien avait contrôlé seulement 45.6% du Corsi ajusté par le score lors de cette série. On peut espérer que le système de Claude Julien sera plus difficile à contrer pour Alain Vigneault, surtout que l'alignement est également plus fort.
Certaines des décisions de Julien ont attiré la critique, mais dans l'ensemble, le nouvel entraîneur a répondu aux attentes. Sous la gouverne de Julien, le Canadien s'est montré plus discipliné (différentiel de pénalités de +10 en 24 matches, contre -33 lors des 58 précédents). Son désavantage numérique a été très bon (43.5 tirs contre par heure à 4 contre 5, le 8ème rang de la ligue sur cette période). Et surtout, l'équipe a excellé à forces égales.
Ce qui nous mène justement au dernier aspect...
Le Canadien peut gagner parce que... les chiffres nous disent qu'ils le peuvent
S'il y a une raison d'avoir foi envers le Canadien, s'il y a une raison de placer le Canadien parmi les équipes aspirantes, elle est ici. Et elle n'est pas la moindre: les chiffres placent tout simplement le Canadien parmi l'élite de la ligue à cinq contre cinq.
On a beau se questionner sur la qualité de l'alignement (et il y a des questions). On a beau s'inquiéter sur l'incapacité du jeu de puissance à générer des chances de marquer (et elle est est pitoyable). Il reste qu'à long terme les matches se gagnent surtout à forces égales. Et c'est encore plus le cas en séries lorsque les sifflets se font plus rares et les arbitres décident de se faire discrets et d'ignorer plus d'infractions.
Presque sans exceptions, les équipes qui gagnent les Coupes Stanley sont parmi les meilleures de la ligue dans les métriques à forces égales. Or, le Canadien compte parmi ces formations. Que ce soit par le Corsi ajusté par le score: 52.2%, 5ème de la ligue. Ou par les buts attendus (une mesure qui inclut le type et la position des tirs): 52.4%, 6ème de la ligue. Sans être tout à fait à la hauteur des Blackhawks et des Kings des belles années, le Canadien contrôle l'avantage du jeu à forces égales... et c'est un aspect dans lequel l'apport d'un Carey Price n'est pas comptabilisé.
Ce sont les chiffres d'une équipe qui n'a pas besoin de compter sur un gardien invincible pour remporter des victoires.
Alors, le Canadien peut-il gagner la Coupe?
Les chiffres qui démontrent l'excellence de l'équipe à cinq contre cinq combinés à ceux, toujours excellent, de Carey Price nous donnent la réponse: oui, le Canadien peut espérer gagner la Coupe.
Il y a cependant des 'mais'. La force de l'équipe est surtout contenue dans sa capacité à remplir chaque chaise avec un joueur adéquat, et non dans la domination de ses joueurs principaux. Dans un contexte de séries, ou les vedettes risquent fort de ne pas être ménagées par leurs entraîneurs, est-ce que le Canadien, dont les joueurs de pointe ne rivalisent pas avec ceux de formations comme les Penguins, les Capitals ou même les Bruins, pourra maintenir son avantage?
Le parcours pourrait aussi être ardu. Les Rangers forment absolument un adversaire à la portée du Canadien; malgré leur position au classement, l'équipe n'a pas contrôlé le jeu à forces égales (Corsi ajusté de 48.8% depuis le 14 février). Entre deux équipes dotées de gardiens dominants, on doit logiquement favoriser celle la plus apte à contrôler le jeu.
Mais après cela, la situation risque fort de se corser. Le Canadien pourrait devoir affronter coup sur coup deux équipes encore meilleures que lui à forces égales, soit Boston (à 53.4%, deuxièmes en Corsi ajusté depuis le 14 février) et Washington (à 53.9%, bons premiers). Et il faudra ensuite composer avec le champion de la conférence Ouest, où les bonnes équipes ne manquent pas. On doit espérer qu'une surprise ou deux vienne faciliter le travail du Canadien.
Pour ces raisons, nous ne classerons pas l’équipe parmi les favorites... mais personne ne devrait trop se surprendre si l'équipe fait un long bout en séries, voire même se rende jusqu'à l'objectif final. Elle fait partie, en somme, du deuxième niveau des équipes aspirantes, celui des “dark horses”, qui peuvent faire un long parcours en séries sans avoir d'air de Cendrillon; elle ne fait pas partie des équipes favorites comment peuvent l'être Washington ou Minnesota, mais elle n'est pas là pour faire de la figuration, comme c'est probablement le cas pour Ottawa.
Il faudra de la chance, mais aucune équipe ne gagne la Coupe sans une bonne part de chance. Et il faudra que le Canadien évite de se tirer dans le pied; la marge est trop mince pour qu'il se permette des erreurs de jugement.
Mais il y a de l'espoir. Ce parfum, dont on sent à peine les relents longtemps oubliés, c'est celui de la Coupe.